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En souvenir d'Alexandrie
11 mai 2012

Incompatibilité de la gauche avec l'euthanasie

http://www.marianne2.fr/L-euthanasie-n-est-pas-compatible-avec-les-valeurs-de-la-gauche_a202157.html

Cette semaine, Marianne laisse carte blanche à différents auteurs* sur la question de l'euthanasie. Pour ces personnalités proches du milieu hospitalier, promouvoir un droit à la mort provoquée, c’est accroître l’inégalité entre forts et faibles et s’engager dans une impasse dont il faut craindre les dérives. Une telle démarche leur paraît incompatible avec les valeurs traditionnelles de la gauche.

Impliqués professionnellement dans l’accompagnement de patients en fin de vie, nous sommes aussi des citoyens engagés, qui nous reconnaissons dans un grand nombre des valeurs incarnées sur la scène politique par la gauche. Aujourd’hui, nous voulons dire notre indignation vis-à-vis de la proposition de loi visant à légaliser les injections létales et le suicide assisté, signée par de nombreux sénateurs « de gauche ». Nous l’avions été tout autant il y a un an par la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le groupe socialiste. Nous sommes également choqués de retrouver ces propositions dans le texte de la convention « égalité réelle », validée par le Parti socialiste comme base programmatique pour la future élection présidentielle.

 

Ces différents textes laissent entendre que la seule solution pour mourir dans la dignité serait de bénéficier d’une assistance médicale provoquant la mort. C’est une négation inacceptable du travail de celles et ceux qui accompagnent les mourants, dans le respect de leur dignité mais sans provoquer leur mort. La loi d’avril 2005 représente à cet égard une avancée considérable (limitation des soins déraisonnables, priorité au soulagement des souffrances y compris avec sédation si nécessaire, recours à une personne de confiance…). Certes, nous savons que bien des progrès restent à accomplir pour que cette loi soit connue, diffusée et enfin respectée, et c’est sur cette question que devraient, à notre sens, porter les propositions, avec notamment le développement de structures de soins palliatifs et de centre de lutte contre la douleur.

Un des acquis emblématiques de la gauche a été de mettre fin à la barbarie de la peine de mort, au juste motif qu’aucune situation ne peut justifier la mise à mort d’un autre être humain. Quant à nous, nous restons parfaitement convaincus de la justesse et de l’actualité de cet argument. Fort heureusement, François Mitterrand et Robert Badinter ne se sont pas appuyés sur les sondages de l’époque. En tant que responsables politiques, ils ont préféré privilégier la rationalité collective des principes plutôt que de céder aux déchaînements des passions individuelles.

 

Nous voulons rappeler que, sur ce sujet comme sur d’autres, il paraît impossible de trouver des solutions simplistes à des questionnements complexes. D’ailleurs, l’expérience des pays européens dont la loi permet le suicide assisté ou l’euthanasie montre les limites d’une telle autorisation. L’analyse attentive montre qu’aucun des dispositifs législatifs existant ailleurs n’échappe à des dérives inquiétantes. Ainsi en Suisse, les pratiques déviantes de l’association Dignitas ont fait l’objet de nombreuses investigations : pratique de tarifs prohibitifs, organisation lucrative d’un véritable tourisme de la mort, suicide de personnes non atteintes de pathologies graves et/ou victimes d’une erreur de diagnostic, etc. En Belgique, des publications scientifiques démontrent que la loi n’est en fait pas respectée. Elles révèlent que la moitié des cas d’administration de produits destinés à provoquer la mort ne répondait à aucune demande explicite du patient (surtout pour les personnes âgées). D’autres articles scientifiques avaient également révélé la pratique d’euthanasies de nouveau-nés et même l’organisation de prélèvements d’organes sur des patients ayant subi une euthanasie. Aux Pays-Bas, la pratique des euthanasies vient d’être l’objet d’une sérieuse polémique entre les autorités et les commissions régionales de contrôle, car celles-là n’engagent pas de poursuites même en cas de non-respect des dispositions légales. Par ailleurs, le projet d’ouverture d’une « clinique de l’euthanasie » par les militants du droit au suicide assisté fait polémique.

A l’approche de la mort, aucune loi ne peut résoudre toutes les souffrances, essayons au minimum de ne pas en créer de nouvelles. De plus, aucune de ces législations ne permet une « égalité réelle » des patients, car les plus faibles (déments, handicapés, enfants…) en sont nécessairement exclus ou victimes par manque d’autonomie évidente.


De telles lois nous paraissent incompatibles avec les valeurs traditionnelles de la gauche qui demandent à l’Etat de protéger les plus vulnérables, comme le sont les patients en fin de vie. Nous sommes surpris que soit mis en avant par des parlementaires appartenant à la gauche un principe aussi fondamentalement ultralibéral que la prééminence absolue de l’autonomie individuelle. Une telle démarche génère toujours une majoration de l’inégalité entre forts et faibles. Il est parfois de bon ton de laisser croire que les adversaires d’une légalisation de l’euthanasie seraient tous des réactionnaires, intégristes et conservateurs, et que, si l’on se situe dans le camp du progrès, on se doit d’être favorable à cette évolution législative, comme on l’était sur la question de l’IVG. Nous nous inscrivons fermement contre cette idée fausse et nous affirmons avec force que s’engager dans un droit à la mort provoquée est une impasse dont nous redoutons les dérives.

Pour nous, ceux qui pensent qu’il n’y a rien d’autre à faire que de supprimer celui qui souffre ne partagent pas les mêmes valeurs éthiques, voire morales, que ceux qui espèrent une société où la solidarité permettrait aux malades de garder leur dignité et leur place sociale, y compris à la fin de leur vie. 

* Laure Copel est cancérologue, responsable des soins palliatifs à l’Institut Curie de Paris ; Anne-Marie Dickelé, psychologue en soins palliatifs au CHU de Montpellier ; Bernard Devalois, ancien président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) ; Martine Ruszniewski, psychologue et psychanalyste ; Gérard Terrier, chef du service d’accompagnement et de soins palliatifs du CHU de Limoges.

 

Idées clefs:

Idée de l'euthanasie comme suppression du plus vulnérable, issue de la sacrosainte valeur libérale d'autonomie.

Ce qui n'est cependant pas sans rappeller que la morale Kantienne, si souvent utilisée en politique française, pose comme base la capacité à faire un choix de principe et à la tenir, ce qui éjecte du même coup les trop jeunes, une partie des trop vieux, et les déments.

Ce critère étant très rigide et assez falacieux, il porte évidemment en germe l'absence de modération dès que l'on aborde ces débats: Autonomie des malades psy, IVG, euthanasie. Les dogmatiques des deux cotés, peu de nuance, peu d'ouverture.

 

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